Après des jours de marche, Emma et Alexis approchaient enfin de la fin de leur calvaire. Devant eux se dressait l’imposant château du sorcier Adam, le magicien qui avait maudit leur village. Tout avait commencé il y a une semaine. La fée Marie du village de Kurani avait confié à sa fille la mission d’aller chercher des plantes dans la forêt. En chemin, elle avait croisé Alexis, un apprenti chevalier, qui s’entraînait au maniement de l’épée. Ils discutaient depuis quelques minutes lorsqu’ils entendirent une voix résonner dans leur crâne. - Je suis le sorcier Adam et je condamne tous les habitants du village de Kurani à être prisonniers pour toujours d’un rêve rempli de cauchemars lorsqu’ils sentiront le parfum des fleurs de Shifuku. Immédiatement, Emma et Alexis se dépêchèrent de rentrer à Kurani. Mais en arrivant, ils découvrirent les habitants de leur village profondément endormis, certains criant ou pleurant de peur. Le parfum des fleurs de Shifuku avait été répandu et le maléfice déclenché. Ne pouvant réveiller les villageois, les deux jeunes décidèrent de partir à la recherche du sorcier pour l’arrêter et libérer tout le monde de ce sort. La fée et le chevalier entrèrent dans la demeure du sorcier Adam avec appréhension. Ils explorèrent les différentes pièces à la recherche du magicien mais ne trouvèrent rien d’autre que le silence glaçant qui résonnait sur les murs en pierres sombres. Finalement, ils le trouvèrent dans la chambre au dernier étage de la plus haute tour du château. Il semblait les attendre de pied ferme, sa baguette magique dans une main, le capuchon de sa cape relevé. - C’est fini pour toi, sorcier Adam ! Libère notre village de ton maléfice ! Ordonna Emma. - Vous pouvez toujours rêver ! Vous ne pourrez jamais m’arrêter ! - C’est ce qu’on va voir ! S’écria Alexis. Il s’élança vers le sorcier, son épée à la main, mais avant même qu’il ne l’atteigne, un nuage verdâtre se répandit dans la pièce. Le parfum des fleurs de Shifuku envahissait la chambre. Heureusement, Emma l’avait anticipé et avait préparé de quoi les protéger. Elle avait pris, pour Alexis et elle, deux foulards afin de couvrir leur visage et ne pas respirer l’odeur maudite. - Vous croyez que ces écharpes vont vous sauver ? Ce parfum peut traverser des tissus très très épais, alors vos foulards vont même pas vous protéger cinq minutes, les prévint Adam avec colère. - Ce sera assez pour t’attraper, rétorqua le jeune chevalier en repartant à l’assaut. Un combat acharné commença entre les deux garçons. Alexis faisait tournoyer son épée avec adresse, comme l’aurait fait un chevalier aguerri. Malgré tout, le sorcier parvenait à éviter chaque mouvement de l’arme et contrait chaque attaque avec des sorts. Emma aidait son coéquipier autant qu’elle le pouvait avec sa magie de soutien, elle augmentait ses capacités physiques au maximum et protégeait ses arrières des attaques magiques d’Adam. Malheureusement, comme le sorcier l’avait prédit, à peine trois minutes plus tard, Alexis s’endormit. En voyant le chevalier s’effondrer contre un mur au fond de la chambre en plongeant dans le sommeil, le sorcier se détourna de son corps inerte pour s’avancer vers son dernier ennemi encore conscient. - Je vous l’avais dit, vous avez aucune chance. Dans pas longtemps, tu t’endormiras aussi, se réjouit Adam. - Pourquoi tu fais ça ? Nous t’avons rien fait de méchant ! Demanda la petite fée en reculant lentement face à l’avancé de son opposant. - Ça te regarde pas ! Et puis même si je te le disais, tu pourrais pas comprendre ! S’énerva le sorcier. Adam continuait à se diriger vers Emma qui se retrouvait obligée de reculer. Mais elle se rapprochait dangereusement du vide qu’offrait la grande fenêtre. - Comment tu peux en être sûr ? L’interrogea la fée, maintenant au bord du vide. Un seul pas en arrière et c’était une chute fatale qui l’attendait. - Je suis sûr que tu as toujours été heureuse ! Alors comment tu pourrais savoir ce que c’est d’être triste ? Rétorqua Adam avec rage, à tout juste un pas d’Emma. - Qu’est-ce-que tu en sais d’abord ? Demanda une voix dans son dos. Le sorcier n’eut même pas le temps de se retourner qu’Alexis lui arrachait déjà sa baguette des mains et les lui bloquait dans le dos. - De quoi ? Comment c’est possible ? Comment tu t’es réveillé ? Le sorcier commença à se débattre de toute ses forces, surpris de voir parfaitement réveillé un garçon sensé être profondément endormi. Alexis raffermit son emprise sur les poignets de l’ennemi et répondit à sa question. - C’est le parfum magique des fleurs d’Akinoshi qui nous protège. Emma en a mis partout sur nos foulards et sur nos vêtements. C’est Marie qui nous a donné son dernier flacon de parfum avant qu’on parte t’attraper. - Mais je croyais que vous étiez les seuls à ne pas dormir ! Et comment cette fée pouvait connaître un remède alors que même moi je ne le connaissais pas ? - Quand tu as mis ton parfum partout dans notre village, ma mère s’occupait des fleurs d’Akinoshi dans le jardin et ça l’a protégée. Mais elle en avait pas assez, alors elle nous a donné son dernier flacon de parfum pour t’arrêter, pendant qu’elle faisait pousser tout plein de fleurs pour sauver tout le monde. - Mais ça prendra très très longtemps pour faire du parfum pour tout le monde et il y a que moi qui peut arrêter le maléfice mais je veux pas. Vos problèmes sont pas réglés encore ! - Tu veux pas pour l’instant ! Avant qu’Adam ne comprenne ce qu’il se passe, Emma s’avança vers lui pour le prendre dans ses bras, les passant autour de son cou. Le sorcier écarquilla les yeux de surprise avant de se débattre avec force. - Lâche-moi ! Qu’est-ce-que tu fais ? - Le parfum des fleurs d’Akinoshi est magique car il a une odeur différente pour chaque personne. Tout le monde sent l’odeur qu’il trouve la plus apaisante et rassurante. La voix d’Emma était calme près de son oreille et l’odeur qui émanait de ses vêtements était douce et familière. Peu à peu, le sorcier cessa inconsciemment de se débattre pour écouter les explications de la jeune fille. - À chaque fois que je fais un cauchemar, ma maman me fait un câlin. Elle me dit que, quand on a peur et qu’on se sent perdu, il n’y a rien de plus rassurant que l’odeur de sa maison et de sa famille. C’est ça le parfum des fleurs d’Akinoshi, l’odeur de sa maison. - Je vois pas le rapport avec moi… Souffla le garçon, hésitant. - Tu avais une famille et une maison avant, pas vrai ? Un autre chez toi que ce château tout vide et tout froid qui n’a rien du tout d’une maison. Tu sens l’odeur de ta vraie maison et de ta famille dans le parfum des fleurs d’Akinoshi, pas vrai ? Après ces mots, le jeune sorcier décida de tout lui raconter. - Mon papa et ma maman ont été tués par des villageois qui avaient peur de mes pouvoirs. J’ai pu m’enfuir mais j’avais peur sans ma famille et ma maison. Alors vous voir tous contents m’a mis en colère et j’ai voulu que vous soyez aussi triste que moi. Emma le relâcha finalement pour le regarder dans les yeux, gardant malgré tout ses mains sur les épaules du garçon. - Et bien tu peux rentrer avec nous. Je suis sûre que ma maman serait d’accord pour que tu viennes vivre dans notre maison. - Je- - Les enfants, venez ! C’est l’heure du goûter ! Les trois enfants sursautèrent brusquement ramenés à la réalité. Ils se tournèrent vers la voix qui les avait coupées pendant leur jeu et un grand sourire apparut sur leur visage en voyant une jeune femme s’avancer dans la cour de récréation. - Génial ! On mange quoi Marie ? S’exclama Emma. La petite fille se retourna pour descendre le grand toboggan qui se trouvait dans son dos. Avant qu’ils ne suivent leur amie, Adam laissa tomber le bâton qui lui servait de baguette magique et Alexis son épée en bois. Autour d’eux, les autres orphelins couraient vers l’orphelinat, impatients de goûter. - Il y a du gâteau au chocolat. Mais qu’est-ce-que vous faites avec mon parfum ? Demanda Marie en voyant le flacon dans les mains d’Adam, qui l’avait récupéré sur le banc où ils l’avaient laissé pour jouer. - C’est le parfum des fleurs d’Akinoshi ! Il nous protège du parfum maléfique des cauchemars, lui expliqua le garçon en lui rendant le flacon. Après ça, les trois enfants entrèrent dans leur maison, sous le rire attendri de leur famille.